Causse, Mickaël
Le cerveau au travail : Optimiser la Performance Humaine par la Neuroergonomie.
(2016)
[HDR]
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(Document in French)
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Abstract
Le volume considérable de recherches menées dans le domaine des neurosciences cognitives révèle la profonde volonté d’améliorer notre compréhension du comportement et de ses corrélats cérébraux. Cette révolution cognitive a encouragé la mise en œuvre d’études sur des questions sociétales importantes traitant de thèmes aussi variés que la santé, les troubles psychiatriques, la maturation neuronale, les apprentissages ou encore les maladies neurodégénératives. Aussi, et assez récemment, la nécessité de mieux appréhender l’interaction entre l’humain et la technologie dans les environnements professionnels ou lors d’activités quotidiennes a fait émerger une discipline connue sous le nom de neuroergonomie. Elle est le fruit de l’association des neurosciences et des facteurs humains, la combinaison de l’étude des fonctions cérébrales avec celle de l’adéquation entre la technologie et les capacités humaines. Cette voie prometteuse offre la possibilité de produire des connaissances à la fois pour les neurosciences, en étudiant le cerveau impliqué dans des activités écologiques, et pour l’ergonomie, qui peut ainsi raffermir sa pratique en prenant en compte les contraintes—invisibles à l’œil nu—des mécanismes cérébraux sous-jacents à la cognition. Notre capacité journalière à accomplir correctement des tâches élaborées, structurées et organisées dans le temps, repose bien entendu sur le bon fonctionnement de notre cerveau. Toutefois, le cerveau présente des limites incontournables malgré son extraordinaire complexité (plusieurs milliards de neurones interconnectés). Lorsque les contraintes cognitives liées à la nature de ce système biologique sont connues, elles font de l’erreur humaine la conséquence logique du fonctionnement normal du cerveau placé dans un contexte mal adapté. En d’autres termes, l’erreur humaine devient alors un symptôme des carences du système. Les facteurs humains s’intéressent depuis longtemps au processus mentaux sous-jacents aux activités complexes. La charge mentale ou les effets du stress en sont des thématiques classiques, notamment dans le domaine des transports. Cette pratique a apporté un éclairage indispensable pour comprendre certains accidents. Un exemple tristement célèbre d’analyse facteurs humains des effets du stress est lié à l’accident ferroviaire qui s’est produit en 1988, en gare de Lyon, entre un train SNCF en provenance de Melun, et un train à l'arrêt en partance pour Melun. L’accident fut très meurtrier (56 morts et 57 blessés), et le procès eut un grand retentissement. Alors que tout accusait le conducteur du train, qui avait purgé par erreur le système de freinage, privant ainsi la rame des sept huitièmes de sa capacité à ralentir, l’analyse d’un spécialiste des facteurs humains (François Danielou) mis en évidence les fameuses erreurs « latentes » qui avaient largement favorisé l’accident. Par exemple, à la SNCF les robinets ne correspondaient pas aux stéréotypes normalisés : « …peut-on imaginer un constructeur automobile qui inverserait les pédales de frein et d'accélérateur? Pendant quelques minutes, le chauffeur ferait attention. Mais il est évident qu'en situation de réflexe il appuierait à fond sur l'accélérateur, croyant enfoncer la pédale de frein » (voir article dans le journal L’humanité, L'homme et la machine au procès de la gare de Lyon, Samedi, 18 Septembre, 1993). Sous l’emprise d’un stress délétère, tout s’est passé comme si le conducteur avait eu recours à sa mémoire procédurale, à des automatismes qui ont contribué à l’accident, et nombreux sont ceux qui auraient commis la même erreur. La prise en compte de l’environnement et du contexte de travail sur la performance humaine est également dans les objectifs de la neuroergonomie. S’il est désormais systématique en aéronautique de prendre en compte les données des boites noires, il revient à la neuroergonomie de donner une visibilité sur l’autre boite noire qu’est la cognition humaine. Ainsi comme nous le verrons dans ce manuscrit, les études menées sur les limites attentionnelles humaines montrent que notre capacité à percevoir des alarmes inattendues peut être altérée par une forte charge en mémoire de travail. Grace à l’électroencéphalographie (EEG), nous pouvons éclairer ce phénomène comportemental par l’observation directe de la réaction cérébrale, témoignage objectif d’une incapacité temporaire d’un l’individu à traiter des stimuli se trouvant en dehors de son focus attentionnel. Cette signature cérébrale, montrant nos limites attentionnelles (en fait la nature même de notre fonctionnement cérébral), indique qu’il serait bien souvent injustifié d’accuser de négligence des opérateurs n’ayant pas réagi de façon appropriée à des alarmes critiques. Passionné de nouvelles technologies et d’informatique, certainement par esprit de contradiction, j’ai néanmoins choisi dans ma jeunesse de réaliser un cursus de psychologie. Pendant ces études menées à Nîmes (université « Vauban ») puis à Montpellier (université Paul Valéry), j’ai rapidement nourri un grand intérêt pour les sciences cognitives qui savent intégrer ingénierie informatique et description formelle de l’esprit humain. J’ai réalisé ensuite un « DESS » (master 2 aujourd’hui) de facteurs humains à l’université Jean-Jaurès (anciennement Mirail) de Toulouse. Ce DESS m’a donné l’opportunité de faire un passage par la société Intuilab (Toulouse) en tant qu’ergonome spécialiste des interfaces hommes machines. Au cours de cette expérience professionnelle, j’ai pu appréhender l’importance de la prise en compte de l’humain dans le développement de tout système technologique. J’ai appris aussi qu’il fallait beaucoup d’humilité et d’expérience pour réussir à mettre en pratique des connaissances académiques dans le monde industriel. Etant dans le département R&D d’Intuilab, j’ai vivement senti l’intérêt de la recherche « fondamentale appliquée » pour faire progresser les technologies, et la volonté profonde de mener des recherches en facteurs humains, tout en les enrichissant par des connaissances récentes en neurosciences, m’a conduit à réaliser un second master 2, cette fois ci à l’INSERM U825. Au cours de ce Master 2 de neuropsychologie, mon désir de conjuguer neurosciences et facteurs humains et mon parcours original m’ont mené à positionner une ambition scientifique autour de la neuroergonomie qui s’est traduite par la première thèse en France selon cette approche. Depuis cette thèse soutenue en 2010, avec Frédéric Dehais, nous avons développé notre activité non seulement au sein de l’ISAE, avec un accroissement fulgurant de l’effectif de notre équipe, mais également à l’extérieur, avec une reconnaissance nationale et internationale de nos travaux, tant par les acteurs académiques qu’industriels. Je présente dans ce manuscrit une partie importante de mes travaux en facteurs humains et neuroergonomie de l’aviation menés depuis mon intégration à l’ISAE en 2011. Ils sont réalisés soit en situation contrôlée de laboratoire, soit en situation plus écologique comme la simulation aérienne ou le vol réel en avion léger. Le chapitre 1 traite des effets de la charge mentale sur la performance humaine. Le chapitre 2 s’intéresse aux effets de stresseurs plus émotionnels. Le chapitre 3 décrit les travaux portant sur l’évolution cognitive et cérébrale au cours du vieillissement normal. Finalement, le chapitre 4 présente les perspectives de recherche, portant notamment sur la recherche de solution neuroergonomiques pour optimiser la sécurité et la performance humaine.
Item Type: | HDR |
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Uncontrolled Keywords: | Neuroergonomics - Human Factors - FMIR - EEG - FNIRS - Aging - Executive functions - Emotion - Decision-making |
Institution: | Université de Toulouse > Institut Supérieur de l'Aéronautique et de l'Espace - ISAE-SUPAERO (FRANCE) Université de Toulouse > Université Toulouse III - Paul Sabatier - UT3 (FRANCE) |
Laboratory name: | |
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Deposited On: | 16 Jun 2017 09:44 |
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